Le Vigneron n°26
DOMAINE SYLVAIN LOICHET
Talent prometteur ayant tracé avec audace son propre chemin de vigne, Sylvain Loichet délivre de belles flaveurs sur ses différents terroirs de la colline.
La vie n’appartient qu’à soi, à chacun de l’imaginer, de la façonner, voire de tracer son propre chemin de vigne. Celui de Sylvain Loichet force l’admiration : “En 2005 j’ai créé mon propre domaine, reprenant 3, 5 hectares familiaux qui étaient loués. Il a fallu concevoir un petit négoce absolument nécessaire pour mon évolution, car on entre alors en contact avec des gens susceptibles de vendre des parcelles.” Ce trentenaire avisé glane ainsi quelques ares sur Nuits, Corton-Charlemagne, Pernand Les Belles Filles et des arpents sur Meursault, Puligny et Saint-Aubin, soit une dizaine d’hectares.
Coupant court à tout préliminaire cultural, il délimite son champ d’action philosophique : “Je me suis lancé dans le bio dès mes débuts, et j’ai demandé la certification en 2008. Ici on effectue le labourage des sols pour l’enracinement de la vigne. On va ainsi chercher le meilleur du terroir. Cela implique des traitements bien maîtrisé.” Surveillant lunes et pluviométrie, Sylvain se donne tous les moyens pour intervenir le moins possible, par un énorme travail et beaucoup de surveillance : “À la bouillie bordelaise, je rajoute volontiers des produits complémentaires à base d’une plante grasse, l’aloe vera : elle renforce l’efficacité du cuivre qui permet de faire face aux maladies avec une dose plus infime que la normale.” Bien installé dans sa grande demeure XVIIIe en plein cœur du village de Chorey-les-Beaune, Sylvain aime recevoir : la salle à manger aux proportions gothiques s’élève à 6 mètres au-dessus du plancher des vignes. Une ancienne cheminée de l’abbaye de la Bussière attise tous les regards. L’artiste Sckanovsky, installé sur Dijon, y a sculpté les signes du zodiaque, un bestiaire, des musiciens graciles et la symbolique des quatre saisons. Dans une telle ambiance, on se sent hors du temps.
La dégustation des vins du coteau de Corton prend alors une saine verticalité. En préambule, le maître des lieux déplie une carte détaillée : “Au lieu-dit Les Gréchons, j’ai sur 1 hectare le monopole du village, c’est la toute fin des premiers crus où nous possédons une parcelle de 30 ares étiquetée En Gréchons. Il se produit à cet endroit une petite cassure au niveau de l’exposition entre le village et le premier cru orienté plus au sud. Tout est planté exclusivement en blanc à cause de l’altitude et des sols marno-calcaires, c’est la continuité des Mourottes, beau terroir pour le Corton-Charlemagne.” S’échappant de sa bouteille façonnée comme au siècle de Jefferson, le Ladoix Bois de Gréchons 2014 délivre de délicieuses flaveurs de miel d’acacia et de fruits jaunes. La bouche est incisive avec un zeste de gras bienvenu. Le premier cru, plus en tension et en pureté, rayonne comme un petit corton- charlemagne.
Ce célèbre grand cru est produit à partir de deux parcelles : une sur Corton exposée plein est,un endroit marneux où l’on ne peut planter qu’en chardonnay. Ses vieilles vignes se situent dans le cœur historique de l’appellation, elles apportent toute leur richesse. L’autre partie de ce célèbre grand cru localisée sur Pernand, à l’ouest, donne un vin tout en tension. “Auparavant, on mettait en bouteille séparément, mais depuis 2013 on assemble car chaque terroir apporte sa complexité pour produire un vin plus équilibré tout en faisant des élevages séparés.” Avec l’Aloxe-Corton Les Valozières 2014, on bascule sur un premier cru rouge, soyeux, gras et épicé : son expression rappelle que ce terroir est une petite enclave dans le Corton Bressandes.
Tous ces crus se révèlent d’une grande précision, leur pureté d’expression réconforte et on comprend la centaine d’étoilés français qui les ont déjà référencés. Au Japon, les chefs plébiscitent Sylvain Loichet, certainement l’un des vignerons les plus prometteurs de la Côte-d’Or, complètement ignoré des haltérophiles de la dégustation.
DENIS HERVIER pour Le Vigneron
LADOIX BOIS DE GRÉCHONS 2014
« Ce village très qualitatif que nous avons en monopole se situe dans la continuité du Corton-Charlemagne. Le vin a été choisi par le chef Cyril Lignac pour accompagner des saint-jacques rôties, radis noir et sarrasin grillé yuzu et sa crème au thé lapsang souchong. »
"Talent prometteur ayant tracé avec audace son propre chemin de vigne, Sylvain Loichet délivre de belles flaveurs sur ses différents terroirs de la colline."